
Scène de dédicace (détail de l’écu de l’archange Michel) du manuscrit du pseudo saint Clément, les Recognitiones, fin du Xe s., BM 50, folio 1 verso, Bibliothèque municipale d’Avranches.
En héraldique, un meuble est tout ce qui se place sur l’écu et qui n’est pas une pièce. Une pièce est un élément de forme géométrique. Ici, le meuble semble faire relief sur l’écu de l’archange : il s’agit d’une fleur de lys. On pense aux lys de France et on n’y prête pas plus d’attention. Sauf que quelque chose cloche. Mais quoi ?
Peut-être la date ? Monique DOSDAT, spécialiste des enluminures du Mont Saint-Michel, considère que celle-ci a été réalisée à la fin du Xe siècle, dans les premiers temps de l’abbaye bénédictine et avant la construction de l’abbatiale romane (1023).
Ce dessin de l’archange est la plus ancienne représentation de saint Michel pour l’abbaye.
Or à cette époque, l’héraldique n’est pas encore née.
Les plus anciennes armoiries connues remontent aux années 1120-1160, donc 150 ans plus tard. Le bouclier de Charlemagne (VIIIe-IXe s.) était sans ornement. On ne trouve pas trace non plus d’armoiries dans la Tapisserie de Bayeux qui a été réalisée à la fin du XIe siècle. Les figures qui peuvent être peintes sur les boucliers varient d’un épisode à l’autre, elles ne sont pas stabilisées : ce ne sont donc pas des armoiries qui permettraient d’identifier le combattant. D’ailleurs, à Hastings, Guillaume doit soulever son casque pour montrer qu’il est toujours au combat alors que la rumeur le disait tué.

Les armoiries apparaissent dans la période 1120-1160, avec une légère antériorité pour le monde anglo-normand. On se penchera une autre fois sur les liens probables avec le succès du roman courtois et du cycle de la Table ronde (cour d’Aliénor D’Aquitaine et cour de sa fille Marie de France).
Nous sommes donc probablement en présence de la première représentation d’un écu échiqueté et armorié. Sa coiffe et la lance de l’archange sont également sommées d’une fleur de lys.

Ce lys (qui est fait un iris) se retrouve dans d’autres illustrations du corpus des manuscrits de l’abbaye.

Alors : fleur des rois ou fleur des ducs ou fleur de l’archange ? De quoi le lys est-il le nom ? Il y a là un mystère, car le lys est la fleur de l’archange Gabriel.
Pour ce qui est de la signification symbolique de cette fleur, un texte fait foi : L’Hortolus de Walahfrid Strabon (840), un texte de la renaissance carolingienne.
