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Robert de Torigni, abbé du Mont Saint-Michel

Robert de Torigni fut abbé du Mont Saint-Michel de 1154 à 1186.
Administrateur, bâtisseur, diplomate, bibliophile, bibliothécaire, chroniqueur, historiographe et même romancier : ses compétences impressionnent. Un homme opiniâtre, un fin politique (certains diront un “courtisan”) et un travailleur infatigable. Pourtant revient toujours, in fine, une réserve : un homme sans génie particulier.
Pourtant, sous son abbatiat, le nombre des moines du Mont Saint-Michel passa de quarante à soixante et son nom éclipse celui de tous les autres abbés du Mont. Alors ? Quid de Robert ?

La partie de la Chronique couvrant la période 1100-1186 a été rédigée par Robert de Torigni. Elle fait suite à celle de Sigebert de Gembloux. Le manuscrit reproduit ci-dessus est celui du Mont Saint-Michel, conservé à Avranches : Avranches BM, 159, feuillet 180 verso.
Pour la transcription du texte, voir : Chronique de Robert de Torigni, publiée par Léopold DELISLE, Rouen, chez A. LE BRUMENT, rue Jeanne d’Arc n°11, 1872.

Représentation de l’abbé Robert de Torigni écrivant sa Chronique,
Église Saint-Laurent (Torigni-sur-Vire), XIe-XVIIe s.,
vitrail réalisé entre 1951 et 1954 par les ateliers Mauméjean (Hendaye).
Vitraux restaurés en 2012.

Que sait-on de Robert de Torigni ?

  • 1106 : naissance à Torigni-sur-Vire (Manche), fils de Téduin et d’Agnès, seigneurs de Torigni
  • 1128 : moine à l’abbaye bénédictine du Bec-Hellouin (abbatiat de Boson)
  • 1139 : Il échange, dans l’abbaye du Bec, avec Henri de Huntingdon, historiographe anglais et lui fait connaître l’ouvrage de Geoffroi de Monmouth, Historia regum Britanniæ (Histoire des rois de Bretagne)
  • 1147 : le 29 mai, probable rencontre au Bec entre Robert et Henri Plantagenêt, futur Henri II d’Angleterre
  • 1149 : prieur de l’abbaye du Bec
  • 1154 : élu abbé de l’abbaye du Mont Saint-Michel
  • 1156 : Robert visite les propriétés de l’abbaye à Jersey et à Guernesey
  • 1156 : 1re édition de la Chronique de Robert de Torigni
  • 1157 : Robert se rend en Angleterre pour y défendre les intérêts de l’abbaye
  • 1157 : 2e édition de la Chronique de Robert de Torigni
  • 1158 : Robert accueille Henri II d’Angleterre et Louis VII de France dans l”abbaye
  • 1161 : Robert est choisi par Henri II pour être le parrain de sa fille Aliénor (fille d’Aliénor d’Aquitaine)
  • 1162 : Robert devient châtelain de Pontorson
  • 1163 : Robert est présent au concile de Tours
  • 1164 : achèvement d’un ensemble de bâtiments au sud-ouest (cellier, hôtellerie, infirmerie)
  • 1166 : le roi Henri II s’arrête au Mont-Saint-Michel de retour de Rennes où il a pris possession du duché de Bretagne
  • 1169 : 3e édition de la Chronique de Robert de Torigni
  • 1172 : Robert convainc Henri II d’Angleterre de venir faire amende honorable à Avranches à la suite de l’assassinat de Thomas Becket, archevêque de Cantorbery
  • 1175 : voyage de Robert en Angleterr pour y obtenir confirmation des donations faites à l’abbaye
  • 1182 : 4e édition de la Chronique de Robert de Torigni
  • 1186 : Mort de Robert, le 23 ou 24 juin
  • 1875 : Édouard Corroyer retrouve sa sépulture placée à l’entrée de l’abbatiale romane

Extraits du Labyrinthe de l’archange, vers 42′.

Un abbé bâtisseur

Robert de Torigni a fait construire deux ensembles importants :

>> sur le flanc ouest du rocher, dans le prolongement de Notre-Dame-sous-Terre et du grand escalier nord-sud, le logis de l’abbé, situé sous le parvis (2 pièces simples et austères) et au dessus du logement du portier communiquant pour sa part avec l’entrée du monastère (côté nord) et l’infirmerie et l’hôtellerie situées au sud. Sous ce logement : deux cachots (les “jumeaux”).

Le logis de l’abbé

>> sur le flanc sud-ouest : un bâtiment sur 3 niveaux destiné à l’accueil des visiteurs de haut rang comprenant en bas un cellier, au niveau intermédiaire la grande salle de l’hôtellerie et au niveau supérieur l’infirmerie. Cet ensemble s’est effondré en 1818.

Niveau supérieur – niveau 2 selon les plans de Paul Gout
Niveau intermédiaire – niveau 1 selon les plans de Paul Gout (1910)

>> À cela il faut ajouter deux tours qui vinrent flanquer la façade au nord et au sud. La tour nord, qui abritait la bibliothèque, s’effondra vers 1300. La tour sud s’effondra à la suite de l’incendie de 1776 avec les 3 premières travées occidentales de la nef.

Emplacement des 2 tours matérialisé sur le parvis actuel de l’abbatiale

Un abbé “grand chercheur et rassembleur de livres”

Robert de Torigni a augmenté le fonds de l’abbaye de cent quarante ouvrages et en a fait la “Cité des livres”. Cependant les textes qu’on lui doit concernent essentiellement les intérêts bien compris de l’abbaye : la Chronique est un ouvrage destiné à servir l’image et la politique des Plantagenêt, protecteurs de l’abbaye, et le Cartulaire a pour vocation première de valider et protéger les droits et privilèges de l’abbaye.

Cartulaire du Mont Saint-Michel, Avranches BM 210, f4v.

Ce dessin (la 3e visite de l’archange à l’évêque Aubert), longtemps présenté comme ayant été réalisé sous l’abbatiat de Robert de Torigni, a peut-être été réalisé un peu plus tôt, sous l’abbatiat de Bernard du Bec (abbé de 1131 à 1149).
Quoi qu’il en soit, le fait est que l’apogée de l’art de l’enluminure développé au Mont Saint-Michel se situe plus tôt, au milieu du XIe siècle, à l’époque du duc Guillaume qui devint roi d’Angleterre en 1066.
En somme, Robert de Torigni fut plus un héritier avisé et prudent qu’un novateur visionnaire. Un point cependant n’est jamais contesté : depuis sa jeunesse, il fut un bibliophile passionné et même un peu plus. On lui doit aussi (probablement…) deux romans arthuriens : Historia Meriadoci regis Kambrie et De Ortu Waluuanii nepotis arturi.


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